Q : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous ?
R : Je m’appelle Miki. Je suis Japonaise et j’habite à Tokyo. J’ai accouché de mon fils quand j’avais 30 ans. J’ai passé une grossesse sans problème particulier.
Q : Pouvez-vous nous parler de votre fils ?
R : Il s’appelle Natsuki, il est atteint de trisomie 21. Il a 2 ans. Cet été, il s’est fait opérer de la migration des testicules. Il est aussi atteint du syndrome de West (N.D.R : épilepsie du nourrisson, aussi appelé spasmes infantiles) depuis ses 6 mois. Les crises d’épilepsie cessent grâce au traitement. Après l’arrêt du traitement, il a passé un an et demi sans en présenter.
Il se développe plus lentement que les autres, mais sûrement.
Q : Pourriez-vous nous décrire votre quotidien avec lui ?
R : Il se lève à 8h. Parce que mon mari et moi travaillons tous les deux, ma grand-mère s’occupe de lui pendant la journée. Elle lui lit un livre d’images et il danse toujours au son de la musique.
Il a un emploi du temps chargé. Il va à la maternelle pour les enfants handicapés deux fois par semaine de 10h à 15h. La plupart des enfants sont atteints du syndrome de Down (N.D.R : autre nom de la Trisomie 21) et les mères diplômées se portent volontaires pour enseigner. Par conséquent, nous pouvons le laisser en toute confiance. Il s’y promène, bricole, fait une sieste, chante et joue avec d’autres enfants.
Il reçoit des soins infirmiers à domicile une fois par semaine. Il va au centre médico-psychologique, chez le généticien, le dermatologue, l’oto-rhino-laryngologue (ORL) une fois par mois et chez le pédiatre, l’ophtalmologue, le neurologue, l’orthopédiste, chez l’urologue et chez le dentiste périodiquement. Mon mari l’y emmène et retourne le chercher en semaine et moi en week-end. Il dort vers 21h.
Q : Quels aménagements avez-vous mis en place à son attention ?
R : L’enfant trisomique évolue lentement. Le développement des dents est également lent. Il manque encore 5 dents à Natsuki. C’est pourquoi, bien qu’il ait 2 ans, il consomme toujours l’alimentation pour bébés de 9 à 12 mois. Il mange des aliments mous tel que le pâté. On coupe sa nourriture en petits morceaux pour ne pas les pousser dans sa gorge.
Il ne peut pas marcher seul donc on bouge avec la poussette ou avec le porte-bébé. Quand il pratique la marche, il porte des chaussures montantes avec une semelle orthopédique pour diminuer les troubles de la marche ou de l’équilibre.
Parce que l’épilepsie peut récidiver jusqu’à environ 6 ans, on essaie de surveiller attentivement ses mouvements.
Q : Avez-vous reçu des aides de l’État ou d’un organisme ?
R : Nous recevons des allocations mensuelles pour les personnes handicapées. Nous recevons aussi la prestation de compensation du handicap pour les semelles de chaussures. La carte d’invalidité nous est délivrée et nous bénéficions de réductions sur les transports et les équipements. Des subventions sont également disponibles pour recevoir les rééducations et pour aller à la maternelle pour les enfants handicapés.
Il existe de nombreux types de subventions, mais l’État ne fournit pas activement d’informations. Nous devons donc les rechercher nous-mêmes auprès de l’hôpital, de la mairie ou sur Internet. Certaines personnes reçoivent des subventions en retard sans savoir qu’il existe un système de subventions. Selon la région et la façon dont le certificat médical est rédigé à l’hôpital, cela modifie notre possibilité d’accès aux subventions, et ce même si l’on a la même maladie, ici la trisomie 21.
Q : Comment vivez-vous son handicap au quotidien ?
R : Nous surveillons patiemment sa croissance. Nous ne devons pas la précipiter alors qu’il s’agit d’une croissance lente. Il ne faut pas la comparer avec celle d’autres enfants.
Je chéris chaque jour que je passe avec lui. J’étais très triste quand il a été hospitalisé pendant un mois et demi avant l’âge d’un an et qu’il a été opéré. Je suis reconnaissante qu’il soit en bonne santé et qu’il passe un bon moment tous les jours.
Q : Quel est le regard des gens (famille, amis et la société de façon générale) sur vous et votre fils ?
R : La famille et les amis sont tous gentils et coopératifs. Quand on sort, les gens ne réalisent pas que Natsuki a le syndrome de Down. Alors ils le traitent comme les enfant normaux, mais peut-être qu’ils le traitent normalement même s’ils s’en aperçoivent.
Parfois, quelqu’un avec une famille trisomique me parle dans le train. On n’a jamais été vu froidement et négativement. Cependant, sur SNS (N.D.R : « social networking service », un référentiel d’articles de médias) comme Instagram, j’entends souvent dire qu’il y a aussi des gens qui donnent des avis négatifs aux enfants atteints de trisomie 21.
Q : Existe-t-il un suivi spécifique pour les personnes atteintes de trisomie au Japon ?
R : Beaucoup de gens sont anxieux après l’accouchement à cause du manque d’informations et du choc d’avoir un enfant trisomique, mais il n’y a pas de suivi spécifique pour les personnes atteintes de trisomie au Japon. C’est pour cette raison que, récemment, les parents d’enfants trisomiques ont commencé à distribuer gratuitement des brochures décrivant leurs expériences avec les enfants ayant la trisomie 21 aux hôpitaux, et à distribuer gratuitement des porte-clés sur lesquels il est écrit « trouve-moi » pour identifier la trisomie 21 afin que les parents trisomiques puissent se parler.
Q : Savez-vous combien de personnes sont concernées par la trisomie 21 au Japon ?
R : Au Japon, il y a environ 80,000 personnes atteintes du syndrome de Down, environ 1 personne sur 1000. De plus, il y a au moins 4,000 personnes atteintes du syndrome de West.
Q : Existe-t-il des écoles, organismes ou associations pour accompagner le développement de l’enfant ?
R : Comme école, il y a la maternelle pour les enfants handicapés, l’école spécialisée, et les Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire (ULIS). Il existe une association Trisomie 21, mais malheureusement, elle n’est pas présente dans toutes les régions. Il y a les soins infirmiers à domicile, le centre médico-psychologique, etc.
Q : Quelles sont les perspectives d’avenir pour une personne atteinte de trisomie (accès à l’éducation, vie professionnelle…) ?
R : Les enfants atteints de trisomie ont également la possibilité d’entrer dans la classe normale de l’école. Bien que le nombre de salariés en situation de handicap soit en augmentation dans l’entreprise, il est assez difficile de devenir salarié d’une entreprise. De nombreuses personnes vivent de pensions d’invalidité dans des foyers de groupe et y travaillent pour de l’argent de poche. Cependant, certains sont actifs en tant que modèles, musiciens et calligraphes. Les occasions de jouer un rôle actif et de réaliser ses rêves se multiplient.
Q : D’après vous, quels sont les points forts de la prise en charge de votre fils et que resterait-il à améliorer ?
R : Les points forts sont que les frais médicaux des enfants sont gratuits jusqu’à l’âge de 15 ans, et ensuite que Natsuki peut bénéficier d’un enseignant supplémentaire qui lui est dédié à la maternelle. Ce qui doit être amélioré, c’est que peu d’écoles acceptent les enfants handicapés qui ont besoin de soins médicaux.
Q : Etes-vous vous-même engagée dans un organisme ou une association ? Dans quel but ?
R : Je suis engagée dans l’association Trisomie 21 de mon arrondissement. Quand Natsuki est né, je ne savais rien du syndrome de Down donc je voulais des informations. Natsuki et moi y participons une fois par mois et nous échangeons des informations.
Par ailleurs, fréquemment, pour recueillir plus d’informations, je me fais des amis atteints de trisomie 21 partout dans le pays grâce à Instagram. On se rencontre dans la vie réelle et on joue ensemble.
Q : Avez-vous un message à faire passer ?
R : Pour le moment, il n’a que deux ans et nous avons peu de problèmes parce que mon mari et moi pouvons le protéger, mais à mesure qu’il grandira, il devra vivre seul. Je veux qu’il ait un environnement où il peut relever divers défis au niveau de son éducation et du travail afin que ses options futures ne soient pas négligées. Au lieu d’abandonner parce qu’il a le syndrome de Down, je veux croire aux possibilités et le mettre au défi de faire n’importe quoi.
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