Entretien avec Loriane : Ma taille, un détail ?

CALLIE : Hello, peux-tu te présenter ? Qui es-tu ?

LORIANE : Salut tout le monde. Je suis Loriane. J’ai eu 40 ans cette année et ça fait bizarre ! (rire) C’est aussi une manière de dire que j’ai vécu 40 ans avec le handicap qui est le mien. Je remets un peu en question tout ce que j’ai vécu jusque-là. L’interview d’aujourd’hui va permettre de faire une sorte de « check-up » !

CALLIE : Quel est ton handicap ? Qu’est-ce qu’il implique au quotidien ?

LORIANE : Pour la faire courte, j’ai une forme de nanisme. Je suis de petite taille, je ne fais pas plus de 1,30m, et ce depuis que j’ai arrêté de grandir.

C’est lié à ma pathologie qui est très rare : la dysplasie géléophysique. Un nom un peu barbare qu’on a quasiment inventé pour moi.

Je n’ai pas eu de diagnostic avant mes 16 ans. J’ai vu des généticiens qui m’ont diagnostiqué toutes sortes de maladies liées au nanisme. Mais, en vérité, ils tâtonnaient, jusqu’à ce qu’ils trouvent le gène responsable.

La raison était que la génétique était très peu développée à l’époque (je le rappelle, j’ai 40 ans !). La génétique débutait. Tout n’avait pas encore été recensé au niveau de l’ADN.

Quand à 16 ans on m’a annoncé que j’avais une dysplasie géléophysique, ça ne m’a pas beaucoup avancée. Mais, au moins, j’avais un nom.

Avoir un nom, c’est important. C’est une sorte de carte d’identité à communiquer aux spécialistes pour réunir des symptômes et constituer un dossier à transmettre.

Le nanisme n’est que la partie émergée de l’iceberg avec les raideurs qui vont avec. Ensuite vient le handicap invisible, très présent dans la dysplasie géléophysique, puisqu’il s’agit d’une atteinte globale qui touche tous les tissus osseux et sous-cutanés.

J’ai un handicap visuel — au début, on pensait même que j’avais une maladie oculaire, de sorte qu’on m’a examiné les yeux sous toutes les coutures. À cela s’ajoute un handicap auditif, cardiaque, pulmonaire ; j’ai une hépatomégalie (mon foie est trop gros) et tout un tas de symptômes secondaires. D’autres sont des conséquences de ces atteintes.

J’ai une maladie évolutive du fait d’une surcharge de glycoprotéine qui s’est incrustée sous mon cartilage et qui bloque toutes mes articulations, arrêtant ma croissance. J’en ai aussi sur les viscères, ça touche mon nerf optique, mon canal carpien et médullaire.

Puisque ça touche les mains, je suis assez maladroite : j’ai de petites mains palmées qui ne peuvent pas se refermer en poings. Au quotidien, les choses me glissent régulièrement des mains. Je conserve cependant tous mes réflexes et toute ma force grâce à des muscles très développés. Un avantage de la maladie ! De même que ma peau très tirée qui me fait toujours paraître jeune malgré les années. 

CALLIE : Quel a été ton parcours jusque-là ?

LORIANE : Je suis née avec cette maladie, étant donné son caractère génétique. Dès le ventre de ma mère, à six mois de grossesse, le médecin a vu que j’étais plus petite que je n’aurais dû. Ça a été le choc pour mes parents qui m’ont quand même gardée.

À la naissance, c’est véritablement la question de la taille qui s’est posée. Je n’avais pas encore le reste de la panoplie de symptômes avec lesquels je vis aujourd’hui. Rien ne présageait de la maladie qui se déclarerait plus tard.

Jusqu’à 5 ou 6 ans, je n’ai fait face à aucune difficulté particulière. J’étais seulement la plus petite de la maternelle. J’étais un peu la chouchoute auprès des adultes. La seule remarque qu’on a pu me faire concernait mes yeux : on me demandait sans arrêt pourquoi je n’ouvrais pas les yeux, alors que j’avais les yeux ouverts, mais très en amandes. Des petits yeux caractéristiques du syndrome.

Ma puberté est arrivée assez tôt alors que je n’avais que 9 ans, et avec elle, les premières atteintes visuelles accompagnées de maux de tête carabinés. Ceux-ci m’ont conduite aux urgences, puis pendant un an j’ai fait des séjours en ophtalmologie, en neurochirurgie, j’ai été opérée du glaucome… Les médecins pensaient que les migraines venaient des yeux, alors que tout venait du cerveau.

De Grenoble où j’avais été opérée du glaucome, on m’a envoyée à Necker, à Paris. Là, j’ai vu un neurochirurgien qui a parlé d’une pression intracrânienne créée par un surplus de liquide céphalo-rachidien. Une pression insidieuse mais bien réelle qui faisait baisser ma vision, me créait des taches dans les yeux et des flashes à l’origine de violents cauchemars.

Cette pression intracrânienne ne se voyait pas aux IRM en raison de ma maladie. Elle s’attaquait à mon nerf optique et elle aurait pu finir par le couper. J’ai failli perdre la vue à 11 ans…

On m’a mis une dérivation du dos jusqu’au péritoine afin d’évacuer le trop-plein de liquide céphalo-rachidien. Pourquoi dans le dos et pas dans la tête, vous me direz ? Cela s’explique par le fait que, dans mon cas, tout est lié à la forte cambrure que j’ai dans le dos et qui bloque le passage du liquide dans les canaux qui se trouvent au niveau des lombaires. D’ailleurs, à cause de cette cambrure, les médecins n’arrivaient pas à me faire une ponction lombaires. Et c’est par le biais d’un capteur qu’ils m’ont inséré dans la tête, qu’ils ont finalement pu s’apercevoir de la pression intracrânienne qui me provoquait ces maux de tête et atteignait ma vision, mais aussi mon audition.

À cette époque, j’avais aussi une surdité qui se développait. J’ai eu ma première paire d’appareils auditifs en primaire. Je l’ai moins bien vécu que les lunettes. Néanmoins, grâce à la dérivation, j’ai pu recommencer à entendre beaucoup mieux.

Je remercie le neurochirurgien qui m’a sauvé la vie en intervenant au bon moment. Malgré tout, je devrai continuer à surveiller un retour potentiel et toujours insidieux de la pression intracrânienne, sachant que tous les médecins qui connaissent mon cas partent actuellement à la retraite. Les neurochirurgiens actuels ne connaissent pas le problème et certains disent que ce que j’ai vécu n’existe pas. Mes parents et moi sommes les seuls témoins de ce qu’il m’est arrivé…

Il faut savoir que j’ai un dossier de peut-être 20 cm de haut qu’aucun médecin ne va étudier de bout en bout pour connaître ma situation depuis mes 10 ans. Même mes parents commencent à perdre certains souvenirs. Il ne reste que moi pour témoigner de mon cas, même si j’étais jeune à l’époque.

CALLIE : Faisons un arrêt sur image sur tes 11-12 ans. Comment tes parents ont-ils vécu les événements de cette période-là ?

LORIANE : Ma mère étant une personne très angoissée, cette période a été très dure pour elle. Ma famille ne connaissait pas le handicap du tout. C’était le plongeon dans l’inconnu quand ils m’ont eue.

Ils m’ont accueillie avec sagesse et respect de la personne humaine, et je les en remercie. Ils se sont battus pour obtenir le suivi dont j’ai finalement pu bénéficier. Ma mère est allée au tribunal pour que je puisse me faire soigner à Paris. Elle a usé tous ses nerfs de mère pour m’offrir ces possibilités-là. Mais je pense que ça ne lui a pas fait que du bien sur la durée.

C’est avec l’âge que je comprends vraiment ce qu’ils ont vécu. Avant ça, je ne m’en rendais pas forcément compte.

CALLIE : Et après tes 12 ans ?

LORIANE : Heureusement, ce passage-là s’est vite tari. J’ai continué à avoir quelques soucis : j’ai été opérée des canaux carpiens à cause du syndrome de la couturière (le fait de trop serrer les mains), suite à un rendez-vous avec la cellule qui me suivait à Necker et durant lequel je leur ai signalé, en rigolant, que tout allait bien, à part que je ne sentais plus mon index. Et là…

En fait, j’avais les canaux carpiens qui s’embrumaient et qui allaient finir par se boucher. Je n’aurais plus été capable de me servir de mes mains correctement et de sentir avec mes doigts.

Donc, rebelote, en 1997, me revoilà sur le billard pour une opération des deux mains. Mais la seule chose qui m’a réellement marquée, c’est la soif que j’avais au réveil. (rire) Ça a été l’une des dernières opérations que j’ai subies étant enfant, après l’appendicite, le glaucome, les ponctions lombaires… J’étais déjà à 9 ou 10 anesthésies.

C’est surtout au niveau scolaire que mes problématiques de santé se ressentaient. Enfant, j’ai été en primaire en Haute-Savoie. Les autres enfants voyaient que j’avais un handicap car je me fatiguais vite à la marche, il fallait que je sois devant le tableau pour pouvoir voir, je mettais des lunettes avec une correction de plus en plus forte, j’entendais mal, etc. J’avais du mal à suivre à l’école.

À côté de ça, comme j’apprenais à vivre avec mon handicap, le contact avec les autres devenait de plus en plus compliqué. Alors j’ai tapé du poing sur la table.

À l’hôpital, je côtoyais d’autres enfants avec des handicaps et je voulais rester avec eux. Je voulais les rencontrer, vivre avec eux au CES (Centre d’Éducation Spécialisée). Je ne voulais plus être différente. C’est quelque chose que je ressens encore parfois.

Mon but était d’être autonome, de ne plus dépendre des autres. Surtout quand on est multi-handicapée comme moi.

Je ne dis pas que tout était rose. Je vivais des choses compliquées à cause de ma maladie. C’était mitigé. Mais j’ai beaucoup gagné en autonomie, en termes d’amitié aussi. J’ai appris à affronter l’effet miroir, j’ai accepté de me contempler telle que j’étais. En regardant les autres, j’ai appris à accepter mon propre handicap, à vivre avec. L’aimer est peut-être un grand mot, mais j’ai bien évolué là-dessus. Etre à la limite de la surdité et de la malvoyance est difficile à vivre au quotidien. Ma vue et mon audition ne vont pas vers le bon. Je n’arrive plus à lire comme avant, mes yeux fatiguent très vite. 

CALLIE : As-tu eu un moment de répit à un moment donné quand même, au milieu de toutes ces opérations et de tous ces rendez-vous médicaux ?

LORIANE : Je suis restée au Centre d’Éducation Spécialisée jusqu’à mes 14 ans. Le plus dur a été l’éloignement familial. J’étais à 80 km de chez mes parents. Ma mère l’a un peu vécu comme un échec de ne pas avoir pu m’apporter tout ce dont j’avais besoin plus proche de là où ils vivaient, mon père et elle.

À 14 ans, il y a eu le retour. J’ai beaucoup voyagé avec mes parents. On était très fusionnels, presque trop. Quand on a un handicap, on est de facto proche de ses parents. La société, la vie active, n’est pas toujours adaptée à nous. Nos proches au contraire nous connaissent et savent ce dont on a besoin.

Ma scolarité a repris en classe ordinaire malgré quelques lacunes du fait de mon handicap auditif. J’avais du mal à suivre en cours, je n’entendais pas les profs. J’ai dû fonctionner avec la vue alors même que ma vue était elle-même défaillante. Dans ce cas-là, tout ce qu’il te reste, c’est ton intelligence. Avec le recul, je me rends compte que je n’ai pas eu toutes les chances de mon côté.

Après un bac littéraire à Bonneville, je suis allée à la fac à Grenoble. J’ai une nouvelle fois quitté le cocon familial pour des études de droit. Je me suis plantée après avoir persisté pendant deux ans. Après quoi je me suis tournée vers les lettres et arts du spectacle jusqu’au Master. J’ai fait beaucoup de théâtre, de bénévolat, j’ai eu des petits boulots.

Le problème étant que le monde du travail n’est pas très adapté aux personnes en situation de handicap. En dépit de mes compétences, la vie active n’a pas été facile à intégrer. Peut-être aussi à cause du validisme ambiant que je n’avais pas encore déconstruit et qui faisait que je n’étais pas sûre de moi. Je n’étais pas assez armée à l’époque pour me mettre en avant et y faire face.

CALLIE : Qu’as-tu fait de ce diplôme de Lettres et arts du spectacle alors ?

LORIANE : Je l’ai mis sur un CV. (rire) Oui, j’aurais pu être comédienne. Mais être comédien.ne, c’est usant, notamment avec mon handicap, un souffle au cœur et une fatigabilité extrême. Pour connaître des professionnel.les dans le domaine, c’est un métier complexe qui ne permet pas de gagner sa vie à moins de se donner à fond. C’est un boulot qui demande de se déplacer et, pour cela, il faut avoir un certain physique que je n’ai pas.

J’ai quand même fait quelques tentatives. Au fond de moi, j’avais envie de percer. Quelqu’un m’a d’ailleurs dit un jour qu’avec mon physique, je n’avais qu’à me rendre sur Paris pour trouver du travail.

CALLIE : Comment as-tu accueilli cette remarque ?

LORIANE : Je n’ai pas aimé. Je ne me vois pas comme la naine de service. J’ai envie de vivre des rôles de gens lambdas. L’acteur qui joue Tyrion Lannister dans la série Game Of Thrones ne se réduit pas à sa petite taille. Il a un rôle clé dans l’histoire. C’est un rôle comme celui-là que j’aimerais obtenir, et il y en a un par siècle.

Les personnes de petite taille, dans le monde du spectacle, seront principalement « utilisées » pour leur taille. Cela dit, je n’ai aucun à-priori là-dessus. Je connais des personnes qui passent à la télé parce qu’on les utilise pour leur petite taille en toute connaissance de cause et à qui la situation convient parfaitement. C’est tout bénéf’, je les comprends. Mais dans ce cas, une question morale se pose, celle de savoir ce qu’on veut faire passer comme message. Est-ce que c’est vraiment ça que j’ai envie de véhiculer comme image ? 

CALLIE : Donc tu n’as pas souhaité persister dans cette voie.

LORIANE : Non, parce qu’il aurait fallu vivre à Paris et que je n’aime pas Paris. Demeurent aussi les difficultés de déplacement, de fatigue…

Ceci dit, aujourd’hui, je le ferai. Aujourd’hui, je réalise que je me suis mis des barrières. Ce que je reprochais à la société, je me le suis fait à moi-même : ne pas être incluse, être rejetée… Je me dis parfois « Mais merde, pourquoi j’ai pas persisté ? »

CALLIE : Est-ce pour cette raison que tu as repris le théâtre ?

LORIANE : En fait, je n’ai jamais arrêté. D’ailleurs, j’ai tourné dans un clip il y a quelques années. Si vous voulez me voir, je danse dans le clip de la « Luno dance » de JAX qui date de 2019. J’y danse en maillot de bain, avec un bonnet de bain, dans une superbe villa avec des copines de petite taille. On s’est fait ce délire ensemble et on a été payées 200 balles pour deux minutes de clip. On s’est bien marrées ! (rire)

Tant qu’il y a du respect, du feeling avec les artistes, il n’y a pas de problème. Il n’était pas question de nous mettre dans des situations de maltraitance ou de malveillance. Le but était que tout le monde s’amuse, qu’on soit sur la même longueur d’onde.

CALLIE : Pour en revenir au théâtre, on peut te retrouver sur un autre projet de ce type, n’est-ce pas ?

LORIANE : C’est ça. À partir de la rentrée 2024, j’anime, auprès de l’association Voyageons avec Mina, un atelier théâtre handi-valide, autant ouvert aux personnes en situation de handicap qu’aux personnes sans handicap, ou valides, même si je n’aime pas tellement ce terme.

J’ai envie de reformer une troupe, à travers de petits ateliers qui auront lieu tous les quinze jours. Et si tout le monde est motivé, on pourra envisager, à la fin de l’année, un petit quelque chose. Pourquoi pas un petit match d’improvisation en groupes.

Ce sera la première troupe handi-valide d’improvisation. En tout cas, je n’en connais pas d’autre. Ce n’est pas un projet facile, l’improvisation est un exercice complexe, mais j’ai envie de proposer cette expérience.

CALLIE : Tu es une personne engagée, il me semble.

LORIANE : Avant de m’engager auprès de Voyageons avec Mina, j’ai été formatrice dans une boîte d’auxiliaires de vie. J’ai témoigné de ma pathologie, du multi-handicap et de ma relation avec les auxiliaires de vie, les aidant.es et aussi avec les médecins.

Dans ce cadre, j’ai aussi animé des cours de théâtre et un cours de communication non-verbale. À savoir que la communication non-verbale est extrêmement importante pour les personnes malentendantes comme moi. Je leur ai refilé mes tuyaux de personne qui ne voit et n’entend pas bien, tel que le fait de développer ses autres sens quand l’un des nôtres (ou plusieurs) ne fonctionne pas très bien. Observer la façon dont les gens se meuvent quand on ne les voit pas, par exemple.

L’odorat, pour ma part, est très développé. Je ne sais pas si ça a toujours été le cas, ou si je l’ai surdéveloppé au fil du temps, mais je m’en sers beaucoup au quotidien. Toutes les odeurs qui me parviennent font partie de ma communication et des informations que je reçois. La première chose que je fais le matin, c’est sentir mon café avant même de le goûter !

CALLIE : En parlant de stratagèmes du quotidien, qu’est-ce qui t’aide ou te pose problème actuellement au niveau de l’accessibilité telle qu’elle est mise en place aujourd’hui ?

LORIANE : L’accessibilité, un grand mot ! Presque un gros mot ! (rire)

Mon handicap est aussi moteur. Je marche difficilement. On ne va pas reparler du Covid, du fait qu’on ne pouvait plus se déplacer comme on voulait, que je n’avais plus vraiment accès à la rééducation dont j’ai besoin… 

Mais en fait si, parce que j’ai perdu en partie la marche, ainsi que de la mobilité, au cours de cette période. La forte cambrure que j’ai dans le dos s’est accentuée et impacte actuellement ma démarche. Mon dos étant plus lourd a porté, mes jambes se coupent, mon souffle également. Tout s’est dégradé ces dernières années.

L’accessibilité s’impose donc comme une question centrale. Je me déplace en trottinette manuelle qui est pour moi une aide à la marche que j’utilise un peu comme un déambulateur. Grâce à elle, je peux continuer à faire du sport et à me rendre un peu partout. Mais cette solution commence sérieusement à pêcher puisque la trottinette n’est pas reconnue comme une aide à la marche. Aujourd’hui, quand je me déplace en trottinette, les gens me voient comme une gamine qu’on refoule de pas mal d’endroits. J’ai beau montrer ma carte d’invalidité, la lettre de mon médecin qui stipule qu’il s’agit bien d’une aide à la marche, il n’y a rien à faire, je continue à me faire refouler de certains magasins et musées.

CALLIE : Question bête : pourquoi n’utilises-tu pas un déambulateur ?

LORIANE : À cause de l’image que le déambulateur renvoie. Puis c’est un outil assez encombrant et qui me ralentit beaucoup. Je n’ai pas des mains assez larges pour avoir une bonne prise en main. Et, encore une fois, l’image qui va avec l’utilisation du déambulateur est difficile à porter. Une trottinette est moins stigmatisante. 

Certains pourraient me dire que je joue sur deux tableaux, que je veux que mon handicap soit pris en compte mais pas qu’il soit trop visible. On pourrait me reprocher de vouloir le beurre et l’argent du beurre. Mais la trottinette possède des avantages en termes de mobilité qui restent non négligeables, comme le fait de conserver une vitesse de déplacement proche de celle d’une personne valide.

CALLIE : Est-ce que tu conduis ?

LORIANE : Oui, je conduis, malgré ma vue. J’ai une voiture sans permis. Je précise : j’ai le code et mes 20 heures de conduite. J’ai juste privilégié mes études au passage de mon permis, sachant que je vivais loin de chez moi, que l’école de conduite n’était pas vraiment adaptée et que j’ai suivi une formation en accéléré. Ceci dit, plusieurs années après, je m’en suis mordue les doigts quand j’ai eu besoin d’une voiture.

Par facilité, et par peur de devoir à nouveau affronter les problématiques liées au handicap, je n’ai pas voulu tenter d’avoir le permis, même plus tard.

J’ai donc ma petite voiture sans permis que j’ai adaptée à ma façon, avec des pédales rehaussées, un coussin à l’arrière… Le fait aussi que ce soit une petite voiture fait qu’elle est plus facile à adapter : c’est une automatique, pas besoin de passer les vitesses, les créneaux sont simples, elle ne va pas sur l’autoroute, etc. Tu as beaucoup moins de tracas. C’est parfait pour ce que je lui demande de faire.

CALLIE : Tu voyages aussi.

LORIANE : Oui, c’est vrai. J’adore ça !

Pour l’histoire, je suis devenue maman il y a 10 ans. Et je ne sais pas si c’est lié à la maternité, mais j’ai gagné en force. On est moins centré.e sur nous-même quand on devient parent. J’ai alors eu besoin de prouver à la terre entière que c’était possible, en dépit du handicap.

CALLIE : Comment s’est passé le parcours jusqu’à la maternité, d’ailleurs ?

LORIANE : Je l’avoue, ce n’était pas une mince affaire. J’ai rencontré mon futur mari il y a 15 ans et l’envie d’avoir un enfant s’est imposée. Je ne me voyais pas ne pas être mère. Alors qu’avant 25 ans, je m’en fichais. Mais là, j’étais en confiance, c’était instinctif.

Par contre, avec ma pathologie, il ne fallait pas faire n’importe quoi. Je suis allée faire un « check-up » spécial maternité, ce à quoi on ne penserait pas en tant que valide. Je rappelle que tout a été fait de façon très réfléchie. Jusqu’au dernier moment, on s’est demandés si c’était possible et raisonnable. On a fait attention, plus que la normale, puisqu’il y avait la question de la génétique qui rentrait en ligne de compte. Quand on peut transmettre une maladie, la question se pose. Attention, je ne dis pas que quand on est susceptible de transmettre une maladie, on ne doit pas avoir d’enfant. Pas du tout. C’est à chacun de se demander si l’on est capable d’assumer ce choix dans le cas d’une transmission potentielle. Surtout que tout le monde peut transmettre des tas de choses diverses et variées à son enfant.

Mais ce n’était pas mon cas avec ma maladie.

CALLIE : La grossesse pouvait-elle impacter ta santé ?

LORIANE : C’était surtout ça la question. J’ai donc fait un « check-up » cardio et pneumo pour savoir si je pouvais supporter une grossesse. Au final, tous les voyants étaient au vert. J’avais un petit souffle au cœur mais pas de quoi me mettre en danger.

Tout en sachant que j’ai une maladie rare et qu’on ne savait pas si les hormones pourraient avoir une influence sur son évolution. Mes symptômes étant arrivés à la puberté, on pouvait se poser la question.

Cela étant dit, je n’ai eu que les tracas classiques associés à la grossesse. On s’est tellement préparés au cas où il y aurait un problème, et finalement rien ne s’est passé. Tout allait bien. En tout cas, jusqu’à six mois de grossesse, moment où j’ai commencé à produire beaucoup de liquide amniotique. Il s’agissait peut-être d’un transfert dû à ma maladie. Je faisais un peu de rétention et les médecins avaient peur que je fasse une pré-éclampsie. J’ai fait une infection urinaire à mes 7 mois de grossesse (on se demande d’ailleurs s’il y avait un lien).

Au bout du compte, j’ai bien fait une pré-éclampsie, mais après la césarienne que j’ai subie à 7 mois et demi de grossesse.

Le bébé allait bien mais les médecins ne voulaient pas prendre de risques me concernant. Mon fils est donc né prématurément et a dû rester en couveuse un certain temps. Toutefois, on savait que c’était une possibilité parce qu’on se doutait que la grossesse serait dure à mener à terme sachant que je mesure 1,30m et que les 8 kg que j’ai pris étaient déjà une charge importante à porter pour moi.

CALLIE : On approche de la fin de l’entretien, mais je voudrais te demander où tu en es de la relation que tu as avec ton handicap aujourd’hui.

LORIANE : Aujourd’hui, j’ai fait la paix avec beaucoup de choses. C’est drôle parce qu’on dit qu’à 40 ans, on fait une crise et que ça part en cacahuètes. (rire) Moi, c’est plutôt l’inverse.

Il est vrai qu’avec sa prématurité, mon fils a eu un petit handicap, et j’ai pas mal culpabilisé à cause de ça. Mais il faut se dire que ça fait partie du jeu de la vie. Aujourd’hui, mon fils va très bien, il est très intelligent et il est beau comme tout. Et sans être passée par toutes ces étapes, je n’aurais pas tout ce que j’ai à l’heure actuelle, et ceci malgré le handicap. Et j’espère que je vais continuer dans cette voie.

J’ai envie de voyager aujourd’hui ! Avant de devenir maman, je me mettais des barrières, je n’osais pas. Après avoir passé le cap de la maternité, je n’ai plus eu peur, je veux voyager, j’en ai besoin. J’ai besoin de changement, de voir du pays, de voir d’autres gens. J’ai soif de découverte, d’apprendre des choses d’autres gens, d’autres villes…

CALLIE : As-tu quelque chose à rajouter ?

LORIANE : Je voulais juste remercier mon chéri de qui je n’ai pas beaucoup parlé, ainsi que ma famille grâce à laquelle j’ai réussi plein de choses dans la vie. Mon entourage a énormément compté dans ces réussites.

À ma famille, à mon chéri et à mon fils, je vous fais de gros bisous !!

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