Q : Quel est votre expérience avec le handicap au japon ? Avez-vous déjà enseigné à une personne en situation de handicap ?
Comment cela s’est-il passé ?
Aviez-vous des craintes ?
Comment avez-vous répondu aux défis qui se sont présentés ?
R : Mon expérience avec des personnes en situation de handicap est assez limitée. Lorsque j’étais au collège et au lycée, j’allais souvent m’amuser chez un ami qui avait le syndrome de Down. Je m’efforçais de discuter avec lui dans la mesure du possible lorsqu’il venait nous voir. Je me souviens qu’en semaine, il était dans un centre spécialisé et que le week-end il était chez lui avec ses parents et ses trois autres frères et sœurs.
Au Japon, à Yokohama-Tokyo, il était assez fréquent d’apercevoir des personnes malvoyantes avec leur canne blanche sur les quais de gare ou de métro ainsi que des personnes en fauteuil roulant. Je n’ai pas eu l’expérience d’enseigner à des personnes en situation de handicap mais cela est peut-être dû au manque d’accessibilité des locaux ou encore de la mentalité japonaise, qui malheureusement, encore aujourd’hui, a tendance à « cacher » les handicaps ou à ne rien faire pour faciliter l’accès à certains services à ce public.
La seule réelle expérience que j’ai pu avoir est avec un garçon de cinq ans à l’époque, qui était dans le même jardin d’enfants que ma fille. Il participait avec trois autres de ses camarades du même âge à des leçons d’anglais. Le programme que j’utilise pour des enfants de cet âge est de d’abord les familiariser au vocabulaire en utilisant des cartes, en regardant des vidéos sur YouTube, en pratiquant avec des puzzles et des coloriages, tous orientés sur le thème de la leçon : fruits, animaux, couleurs, véhicules…
Ce garçon, que nous appellerons Kyosuke, avait du mal à être avec les autres, à suivre les consignes, à répéter et à faire toute autre tâche qui lui était demandée. Fait qui n’est pas anormal pour des enfants de cet âge mais sa mère m’avait auparavant expliqué qu’on lui avait diagnostiqué de l’autisme.
Selon les activités, je faisais répéter les élèves chacun leur tour et/ou en groupe, et il lui arrivait de le faire si je le sollicitais directement. Lors de la deuxième année d’apprentissage, nous nous amusions avec les lettres de l’alphabet ainsi que des polycopiés avec des lettres à dessiner en repassant dessus. Lors des activités d’écriture, il avait des problèmes moteurs et du mal à former les lettres et à tenir correctement son crayon de papier et ne souhaitait pas vraiment que je l’aide à écrire.
Je pouvais sentir sa frustration et cela me frustrais moi aussi. Mais au lieu de m’énerver et d’essayer de le forcer à faire ce que je lui demandais, j’ai décidé de le laisser faire à sa manière et que de toute façon, il arriverait toujours à tirer quelque chose de positif de nos leçons. Toujours en le félicitant largement, ainsi que ses camarades, lorsqu’ils réussissaient ou qu’ils s’approchaient d’un certain résultat.
À la base, l’objectif est de montrer aux jeunes apprenants que l’anglais peut être amusant plutôt que de leur faire mémoriser du vocabulaire ou de la grammaire. C’est pour cela que même si je voyais que Kyosuke était dans son monde la plupart du temps, je m’occupais de lui comme des autres enfants en essayant de ne pas le brusquer et de ne pas le contrarier, pour qu’il puisse lui aussi s’amuser et avoir envie d’apprendre de nouvelles choses avec ses camarades et moi.
Q : Comment les autres enfants réagissaient-ils vis-à-vis de son handicap ? Votre vision de l’enseignement a-t-elle évolué à son contact ?
R : Ses interactions avec ses camarades étant limitées de par son autisme, j’étais son interlocuteur principal. Cela m’a été difficile de m’éloigner de mon objectif habituel, de donner des connaissances et de faire pratiquer mes étudiants pour qu’ils retiennent ces connaissances. Le procédé est le même lors de ces leçons avec mes groupes de maternelles mais j’ai arrêté de me mettre une certaine pression avec des objectifs linguistiques.
Ils m’ont tous appris à avoir des objectifs plus humains, dans nos échanges et interactions, à trouver d’autres capacités que je pouvais les aider à développer telles que s’habituer aux étrangers et parler avec des adultes, ou encore une initiation à la lecture et à l’écriture de l’alphabet. Réduire le temps passé à faire de l’anglais pour les écouter raconter leurs histoires était très enrichissant pour tous. Il arrivait que Kyosuke aussi raconte des histoires de ce qu’il lui arrivait à la maternelle ou chez lui.
Les autres enfants ne prêtaient apparemment nullement attention à ses problèmes ou à son attitude et je pense que cela a aussi aidé à créer une atmosphère positive aux apprentissages de tous. Surtout au Japon, un public plus âgé, à partir du collège en général, va prêter très attention aux réactions des autres, aux moqueries et au qu’en-dira-t-on, ce qui les freine énormément dans leur apprentissage.
Les adultes, n’en parlons même pas, la peur de l’échec, du regard des autres, une prise de risque quasi nulle, sont des facteurs omniprésents ici.
Q : Connaissez-vous des formations spécifiques à destination des enseignants pour la prise en charge des enfants en situation de handicap au Japon ? N’en ayant pas suivie une vous-même, qu’avez-vous retenu de cette expérience ?
R : Ma femme, qui est puéricultrice, ayant été maîtresse de la classe de Kyosuke, le connaît bien et s’occupait particulièrement de lui du fait de son autisme. C’est une des raisons pour lesquelles sa mère a décidé de le faire venir à mes cours d’anglais à la maison, connaissant mon épouse et étant en confiance.
Les puériculteurs et puéricultrices ont une formation pour s’occuper des enfants ayant des handicaps tels que l’autisme ou le TDAH. Mon épouse a suivi des formations au cours de sa carrière pour pouvoir mieux s’occuper de ces enfants, et en général, c’est elle qui est chargée d’eux au sein de leur classe avec leurs camarades du même âge.
Parler avec elle de son travail et de ses expériences, surtout avec Kyosuke, m’ont appris beaucoup de choses mais c’est un cas assez unique je pense. Avec du recul, je pense qu’interagir avec lui comme avec les autres a été positif.
Ne pas lui mettre plus de pression, ne pas le stresser, ne pas s’énerver et pouvoir se mettre à son niveau pour avancer ensemble n’étaient pas toujours facile mais cela a, je pense, porté ses fruits, dans la mesure où il était content de venir et que je voyais du progrès à plusieurs niveaux au fil des mois.
Il sera resté avec nous pendant deux ans, au rythme d’une leçon de 45 minutes par semaine. Ses parents ont décidé d’arrêter au moment où il est passé au CP, avec tous les challenges qui les attendaient.
Q : D’après vous, comment le système scolaire japonais envisage-t-il le handicap ?
Existe-t-il une prise en charge et des aménagements spécifiques ? Avez-vous vu des améliorations de la prise en compte du handicap dans le système scolaire japonais ? Sinon, que faudrait-il améliorer ?
R : Je ne sais pas pour les familles en France, mais en ce qui concerne le Japon, d’après ce que j’ai entendu dire par ma femme, beaucoup de familles sont réticentes à reconnaître que leurs enfants soient diagnostiqués d’un certain handicap, que ce soit de l’autisme ou autre chose. Ils ne veulent pas que leurs enfants soient suivis.
Il y a plusieurs systèmes de prise en charge des enfants ayant des handicaps divers au Japon. Dans le passé, il y avait des écoles spécialisées pour les personnes non-voyantes, d’autres pour les personnes malentendantes, d’autres pour les personnes avec des handicaps moteurs, intellectuels…
Cependant, depuis 2017, une refonte de ces institutions a été organisée par le gouvernement pour avoir des écoles qu’ils appellent « l’école pour l’éducation à besoins spéciaux », qui peuvent accepter plusieurs types de handicaps. Ces écoles d’éducation spécialisée sont destinées aux enfants présentant des handicaps lourds. Elles comprennent quatre niveaux équivalents aux maternelle, primaire, collège et lycée. Dans ces écoles spécialisées, les enfants apprennent selon un programme spécial entouré de différents enseignants et de diverses installations et divers équipements qui répondent à leurs besoins.
Une autre façon de dispenser un enseignement pour les enfants ayant des handicaps se déroule dans les écoles classiques. Ici, c’est une approche que l’on appelle « inclusive », où les enfants avec des handicaps mineurs suivent les cours avec leurs camarades sans handicap. Ils ont cependant quelques fois par semaine des cours particuliers avec un professeur qui s’occupe de leur enseigner le japonais et les mathématiques pour pallier leurs difficultés d’attention ou les difficultés liées au niveau des enseignements. Ces cours sont dispensés dans une classe prévue à cet effet par des professeurs avec de l’expérience et des formations adaptées aux besoins de ces enfants.
Les handicaps couverts par ce programme sont les troubles de la parole, l’autisme, les troubles émotionnels, la malvoyance, la malentendance, les troubles de l’apprentissage (TA), le trouble de déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) et autres.
Ceci est la théorie et c’est effectivement ce qui se passe dans l’école primaire où va ma fille, en classe de CE2. Je ne connais pas exactement les détails mais il y a un garçon que nous connaissons depuis la maternelle, qui a des problèmes pour apprendre, des problèmes de concentration et de contrôle de ses émotions.
La maîtresse qui s’occupe de lui est très douce et je pense qu’elle est vraiment importante pour sa vie dans l’école, ainsi que pour les autres étudiants, qui sont dans la même situation que lui. Cette institutrice aide aussi les jeunes professeurs fraîchement diplômés et ma fille a eu la chance de l’avoir en CP.
En cherchant sur Internet et en lisant d’autres articles, il est clair que cette méthode inclusive connaît ses limites et que beaucoup d’établissements scolaires, beaucoup d’enseignants ne sont pas prêts.
Q : Pensez-vous que les études supérieures soient facilement accessibles au japon ? Quels conseils donneriez-vous à une personne en situation de handicap qui souhaiterait aller étudier au japon ?
R : Vous me demandez s’il est facile d’accéder à des études supérieures pour les enfants en situation de handicap. Je pense que cela est encore extrêmement difficile.
Mes conseils pour une personne en situation de handicap qui souhaiterait aller étudier au Japon serait de trouver une école de langues qui ait les installations nécessaires pour ce public, que ce soit des facilités d’accès pour les fauteuils roulants et des curriculum adaptés aux besoins de ces étudiants.
Il est certain que d’aller dans le pays pour apprendre une langue est une expérience totalement différente, très enrichissante et inoubliable.
Il m’est impensable de retourner en France aujourd’hui pour y vivre et y travailler.
Cette vie que je mène dans un pays étranger est vraiment riche et c’est une grande motivation quotidienne.
Le Japon est un beau pays et les gens sont généralement très accueillants, mais comme en France, la majorité des gens n’ont jamais fait l’expérience de rencontrer des personnes en situation de handicap et malheureusement, cela peut rendre les démarches et les échanges d’autant plus difficiles.
Pour aller plus loin sur la question du handicap dans le système scolaire japonais, voici le lien d’un article paru dans le quotidien japonais Asahi en 2019 et qui parle des changements dans l’éducation pour les personnes en situation de handicap au Japon
Merci à Julien Doualle pour avoir pris le temps de répondre à nos questions. Retrouvez-le ici :
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