Xavier Bonot, atteint de leucodystrophie : Une souffrance « invivable »; mais encore de belles chose à vivre.

Callie : Peux-tu te présenter en quelques phrases ? Qui es-tu ?

Xavier : Bien sûr. Je m’appelle Xavier Bonot, j’ai aujourd’hui 34 ans. Je suis atteint de cécité depuis l’âge de 7 ans. J’ai perdu la vue progressivement jusqu’à l’âge de 12 ans, moment où j’ai officiellement été déclaré non-voyant. À partir de 22 ans, j’ai commencé à avoir de gros problèmes de mobilité qui n’ont pas cessé de s’aggraver au fur et à mesure des années. Aujourd’hui, je suis en fauteuil-roulant, cantonné à la chaise pour des problèmes de mobilité globaux qui touchent principalement les jambes mais aussi les bras, les muscles dorsaux, la nuque, etc., c’est-à-dire tout le corps, petit à petit. Sinon, je suis papa de deux enfants et je suis marié. J’ai une bonne vie de famille malgré la maladie.

Callie : Quel a été ton parcours de vie jusque-là ?

Xavier : En termes d’études, j’ai effectué tout mon cursus sur Suisse, de sorte qu’il est un peu différent du système français. J’ai eu une scolarité obligatoire tout à fait ordinaire. J’ai été, selon le souhait de l’école publique genevoise, intégré dans le système classique, cela jusqu’à la fin de ma scolarité obligatoire, ce qui correspond sur France au collège. Par la suite, j’ai fait une année de post obligatoire, équivalente au lycée, avant de me rendre compte que ce n’était pas du tout mon truc, tandis que depuis plusieurs années déjà je voulais faire de l’informatique. J’ai quitté le lycée pour faire l’apprentissage d’informatique, une formation se déroulant sur quatre ans, avec une partie composée de matières obligatoires telles que les maths, le français, les langues, etc., et une partie technique portant sur l’apprentissage informatique, à quoi s’ajoutait un mi-temps qui se faisait chez l’employeur. J’ai été engagé à l’État de Genève pour découvrir tous les services liés à l’entreprise et les différentes problématiques qui pouvaient se poser au sein de l’État.

Callie : Et est-ce que tu travailles encore aujourd’hui ?

Xavier : Non, je ne travaille plus aujourd’hui. Je suis en arrêt de travail depuis 2014, depuis l’âge de mes 24-25 ans où j’ai été mis en arrêt invalidité sur Suisse. Suite à la fin de mon apprentissage, j’avais débuté un travail dans une banque privée genevoise. J’avais un super poste où je devais m’occuper de faire la distribution des logiciels, d’automatiser la configuration pour les postes clients. J’avais des collègues vraiment sympas, j’ai pu m’intégrer sans trop de difficultés. Mais au bout de trois ans de travail, j’ai eu à faire face à cette problématique de mobilité et j’ai dû arrêter petit à petit de travailler, jusqu’en 2014, année de ma mise en invalidité officielle à 100%.

Callie : Quels sont tes handicaps ? Tu as également une maladie, quels en sont les symptômes ?

Xavier : Pour ce qui est de la partie visuelle, à la base, on ne m’a pas posé de diagnostic car on ne sait pas ce qui m’est arrivé. C’est une malformation oculaire sur les deux yeux dont l’origine est indéterminée. On ne sait pas si elle provient de mon père, de ma mère… C’est une malformation qui est apparue au moment de la grossesse, mais on n’en sait pas plus. J’ai commencé à perdre la vue à l’âge de 7 ans et j’ai été malvoyant jusqu’à l’âge de 12 ans, moment à partir duquel on m’a considéré comme officiellement aveugle. J’ai subi une opération sur l’œil gauche pour tenter de redonner un petit peu de vue, en enlevant la cataracte notamment. L’opération a bien réussi, j’ai pu regagner 10 à 15% de ma vision l’espace d’une année. Cependant, il y a eu une infection post-opératoire et j’ai reperdu la totalité de la vue. Suite à cela, j’ai vécu au mieux, j’ai été bien soutenu par mon entourage et notamment par ma mère, afin de prendre mon indépendance, d’avoir un appartement et de gérer toute ma vie seul. Je m’en suis toujours bien sorti de ce point de vue, j’ai eu des loisirs, des activités diverses, j’ai fait des voyages qui se sont tous très bien passés. J’ai en outre rencontré celle qui allait devenir ma femme. À 22 ans, j’ai été hospitalisé, et de là, ce qui allait devenir les dix années les plus compliquées de ma vie se sont enchaînées. J’ai commencé à tout perdre petit à petit, à commencer par les jambes. J’avais du mal à marcher et je ne courais presque plus : je suis passé de 2h de course, à 1h, à 30mn, à une impossibilité totale de courir. La même chose s’est produite pour la marche, je perdais doucement mais sûrement mes capacités. Ensuite, plus rien du tout. Je n’ai pas eu de diagnostic tout de suite, il a fallu 8 ans pour en poser un grâce au CHU de Lyon. On m’a alors diagnostiqué une leucodystrophie, une maladie qui touche les nerfs à plus ou moins différents degrés et à différentes localisations. Normalement, l’atteinte se manifeste au niveau du cerveau, puis elle peut s’étendre à la moelle épinière et à tous les nerfs périphériques. C’est assez complexe puisqu’il existe beaucoup de types de leucodystrophies. À savoir que le mien est totalement indéterminé, autrement dit aucune autre personne n’est à ce jour diagnostiquée avec les mêmes atteintes que moi. Il faudrait qu’on puisse isoler un ou plusieurs gènes impliqués dans cette maladie pour pouvoir passer d’un type indéterminé à un type déterminé, et peut-être comprendre son fonctionnement et trouver un traitement. Actuellement, il n’existe pas de traitement pour la leucodystrophie. Il n’en existe un que pour la forme infantile qui touche les enfants dans les 3 premières années de vie. Dans ce cas, on peut effectuer des thérapies géniques qui sont toutes nouvelles et qui ont de bons résultats. Cela permet de ralentir la maladie ou de stopper son évolution. En d’autres termes, un enfant soigné avec cette thérapie à l’âge de 3 ans demeurera au stade de la maladie où il se trouvait au moment du traitement. Il n’y a aucun espoir de guérison pour cette maladie, l’état de la personne ne peut que se dégrader ou se stabiliser au moment du début de la prise en charge. Pour la forme infantile, on parle de quelques mois ou années de vie au mieux ; pour la forme juvénile qui intervient à l’adolescence, on donne une espérance qui va jusqu’à 15 ou 20 ans ; et pour la forme adulte, c’est assez variable, de quelques années ou dizaines d’années à une espérance de vie tout à fait normale. Pour ma part, la maladie touche tous les organes. Je possède environ une trentaine de symptômes qui me pourrissent la vie au quotidien. Cela passe par une perte de sensibilité, des trous de mémoire, des difficultés à m’endormir, des atteintes sensorielles, auditives… Tous les sens sont touchés. Heureusement, pas trop non plus. Le toucher est par exemple très problématique, le goût et l’audition sont altérés mais sans diminution progressive. C’est l’atteinte à la mobilité qui prédomine, d’abord au niveau des jambes, puis au niveau des bras depuis plus d’une année. J’ai du mal à tenir assis sans dossier, à tenir droit, à utiliser mes bras plusieurs minutes d’affilées… Et on sait que la maladie continue à progresser. Les médecins sont impuissants face à cela et me disent qu’il n’y a pas d’autre choix que de la laisser progresser jusqu’à la mort.

Callie : Qu’est-ce que cela représente au quotidien, et notamment la cécité combinée à la nécessité de se déplacer en fauteuil roulant ?

Xavier : C’est bien cela le problème. La cécité ne m’a jamais privé de quoi que ce soit, si ce n’est de conduire une voiture. Au-delà de cela, j’étais indépendant, je prenais les transports publics et rencontrais des gens sans problème, la scolarité et le professionnel se sont très bien passés… De même, avoir une atteinte de la mobilité sans la cécité serait surmontable, malgré les obstacles du quotidien dont le manque d’accessibilité des lieux publics. Mais combiner les deux devient plus que compliqué. Je ne peux pas envisager de me rendre dans un lieu sans savoir ce qu’il y aura sur ma route. Il me faudrait connaître l’endroit par cœur, le chemin pour y aller également. C’est juste impossible ! Je suis indépendant dans mon appartement parce que je le connais sur le bout des doigts : il n’y a pas de problématique de déniveler du sol ou d’obstacles au milieu de ma route. Par contre, à l’extérieur, je suis dépendant de la personne qui m’accompagne, le plus souvent ma femme ou mes enfants. Je dois composer avec cette situation, mais c’est déprimant d’être dépendant au quotidien pour toute activité.

Callie : Est-ce que cette situation impacte ton rôle de père ou de mari ?

Xavier : Au début, cela n’avait pas d’influence, mais au fur et à mesure que la maladie s’est développée, oui. Aujourd’hui, je suis incapable de subvenir à mes propres besoins : j’ai besoin d’aide pour me servir à boire, pour manger, et ainsi de suite. Heureusement, les enfants ont grandi, la petite a 8 ans, le plus grand 10, bientôt 11 ans, donc c’est même eux qui viennent me donner un coup de main. Mais il y a encore quelques temps, c’était impossible. Simplement de devoir traverser l’appartement pour voler à leur secours était un cauchemar, leurs chambres ne m’étaient pas forcément accessibles non plus. C’est surtout ma femme qui a fait le nécessaire quand ils étaient bébés.

Callie : Cela a dû créer une forme de frustration chez toi.

Xavier : Une énorme frustration, oui. Un sentiment d’injustice : pourquoi subir ça ? Je suis quelqu’un de positif, j’essaie de relativiser, d’avoir une forme de résilience vis-à-vis de cette situation. Néanmoins, cette question demeure. La semaine dernière encore, j’étais hospitalisé. On ne sait jamais ce qu’il peut arriver d’un jour à l’autre, on vit avec cette incertitude, encore plus quand on sait que cela va empirer.

Callie : Comment as-tu vécu cette incertitude couplée à l’évolution de la maladie ?

Xavier : C’est une fatalité, ça c’est sûr. Je sais que de toute façon, je vais aller jusqu’à la mort. Je sais qu’en France, être assisté pour la fin de vie est plutôt compliqué, que le débat est en cours. Me concernant, je me suis inscrit sur Suisse pour la suite, si je vois que mon état continue à s’amoindrir et que je ne peux plus rien faire. Mon souhait est de pouvoir partir dans la dignité. Cette question revient souvent parce qu’aujourd’hui, mon état varie d’une heure à l’autre et j’y suis souvent confronté. À certains moments, j’en ai juste ras-le-bol, je sais que ça va durer une heure, deux heures, et qu’ensuite, les choses redeviendront comme avant. Pourtant, il y a ce blocage de savoir comment composer avec la maladie. Heureusement, j’ai toujours pu compter sur ma femme, ma mère et mes enfants, pour me donner des coups de main ou une raison de vivre, pour avoir cette force de caractère, cette volonté d’aller de l’avant. Malgré tout, ça ne suffit plus aujourd’hui pour me maintenir dans de bonnes conditions et me donner envie de poursuivre.

Callie : Pour avoir lu ton livre, je trouve qu’on y sent malgré tout une forme de positivité de ta part. Comment fais-tu pour conserver cet optimisme jour après jour ?

Xavier : C’est un état d’esprit que je cultive depuis petit et que ma mère m’a transmis. Comme je le dis dans mon livre, j’ai eu la chance de beaucoup voyager, d’être confronté à la misère du monde dans divers pays beaucoup plus pauvres que ce n’est le cas dans nos pays occidentaux, et je me suis rendu compte que la misère est bien pire ailleurs. Dans le cas de mon entourage, on n’a pas le droit de se plaindre de tous les petits tracas, des petits bobos du quotidien. J’ai aussi envie de transmettre cet optimisme à mes enfants, de dire que oui, on n’a tout ce qu’il faut ici pour être heureux, pour être en bonne santé (bon, mis à part moi). Mais on a tout ce qu’il faut pour bien faire. Il faut relativiser et c’est pour cette raison que je me lève tous les matins avec cet état d’esprit, en me disant qu’il y a encore de bonnes choses à vivre, et je veux le cultiver jusqu’au bout. Le simple fait de parler à quelqu’un me donne le sourire car ce sont des choses qui se perdent. Malgré la souffrance, et alors que je me retrouve dans des situations pas possibles où j’ai envie de terminer ma vie, dès que je rencontre une personne, je suis content, ça me change de mon quotidien. C’est ce que mon médecin m’a fait remarquer, que je souris tout le temps, et de sa position de médecin, on a l’impression que je vais bien. Malheureusement, à l’intérieur, ce n’est pas vrai, la souffrance est bien là, elle est là tout le temps. Donc le sourire est bien là ; mais sinon, le corps ne répond plus, il est foutu. Le désespoir lui aussi est là tout le temps.

Callie : En 2020, tu as enfin pu mettre un mot sur ta souffrance. Peut-on parler de soulagement ?

Xavier : Oui, ça été un soulagement puisque la leucodystrophie mettait un mot sur ce que je vivais. Et plus encore, car pour les médecins, elle serait aussi responsable de la cécité, en ayant causé une malformation génétique durant la grossesse. Elle expliquerait également plusieurs autres atteintes, notamment rénale, étant donné qu’il semble impossible que je combine plusieurs maladies rares, pour ne pas dire uniques, à la fois. D’ailleurs, il y a des cas de leucodystrophies avec cécité qui ressemblent à ce que j’ai, sans être exactement la même chose pour autant.

Callie : Comment as-tu accueilli la nouvelle ? Tu parles de soulagement, mais est-ce que le diagnostic a pu aussi être à l’origine de peurs de ta part ?

Xavier : Non, ça été un soulagement énorme. D’ailleurs, il m’a fallu une bonne heure pour réaliser qu’on m’avait enfin donné un diagnostic. Pour le médecin et son équipe en charge des leucodystrophies, cela leur semblait évident. Mais pour moi, c’était le mot qui venait mettre fin à toutes ces années de galères et de recherches. Si pour lui c’était naturel d’arriver à ce diagnostic, pour moi c’était certes un soulagement, mais aussi de l’incompréhension qu’on ait pas pu le poser avant. À savoir qu’aujourd’hui, il est remis en cause, car tout ce qu’on peut observer ne va pas dans le sens d’une leucodystrophie. On constate des symptômes ou des aggravations qui ne se font pas de la manière dont elles le devraient dans le cas de cette maladie. Est-ce que j’ai bien une leucodystrophie ou est-ce qu’on s’est encore trompé de diagnostic… ? C’est la question qui se pose et j’ai prochainement des examens à réaliser pour essayer d’y répondre.

Callie : Comment expliquer que le diagnostic ait mis tant de temps à être posé ?

Xavier : C’est une maladie très rare qui touche une centaine d’individus en France, avec peut-être une naissance sur cent mille personnes. On est confronté à des atteintes tellement diverses, sachant que ce sont les enfants les plus touchés, qu’il a été compliqué pour le corps médical de voir une maladie si peu connue. Les médecins ont d’abord fait le tour de tout ce à quoi cela pouvait leur faire penser, tout ce qui était classique, mais ils ne se sont pas, d’une part, focalisés sur mon ressenti, et d’autre part, ils ne m’ont pas réorienté dans la bonne direction. Je prends l’exemple de Grenoble où je suis tombé sur un neurologue qui m’a dit, avec un manque d’humilité totale, que si lui ne trouvait rien, cela ne servait à rien d’aller voir ailleurs. Donc j’ai dû faire beaucoup de services dans lesquels j’ai reçu ce même discours, jusqu’au jour où je suis tombé un peu par hasard sur le service des leucodystrophies de Lyon. Toutefois, c’est moi qui ai dû faire ces démarches par moi-même. À chaque fois, je devais relancer les hôpitaux et rencontrer de moi-même les médecins.

Callie : Comme tu le disais, il n’existe pas de traitement. Mais peut-on tout de même soulager certains symptômes ?

Xavier : On peut soulager certains symptômes, mais c’est un soulagement tellement peu significatif par rapport à ce qui serait envisageable de faire. On soulage surtout les symptômes communs à d’autres maladies, tels que la spasticité, le fait que les
membres se raidissent et se mettent à bouger tout seuls, en dormant notamment, ou à trembler quand on veut tendre le bras, ce qui rappelle la maladie de Parkinson par exemple. Le traitement que j’ai pour la spasticité marche à peu près, mais pour d’autres symptômes, il n’y a rien à faire. Pour l’atteinte à la mobilité, il n’y a pas de moyen pour redonner de la force, comme dans les maladies neurologiques ou musculaires pour lesquelles on essaie de trouver des solutions, mais où l’on n’a encore rien trouvé. C’est tellement complexe ! Ce sont des milliers et des milliers de gènes et de protéines qui rentrent en ligne de compte pour venir soulager de tels symptômes.

Callie : Tu as écrit un livre pour retracer ton parcours. Peux-tu nous en parler ? Comment cette biographie est-elle née ?

Xavier : Le projet a débuté six ans et demi avant l’achèvement du livre. À la base, c’est parti de la remarque qu’on me faisait souvent et selon laquelle je ne me plaignais jamais. M’est donc venue l’idée d’écrire des lettres pour expliquer ce que je vivais au quotidien, et petit à petit, les lettres sont devenues des chapitres, et les chapitres mis ensemble, un livre. Au bout de six ans, j’ai décidé d’en faire un livre pour laisser une trace à mon entourage, pour que mes proches sachent ce que j’ai vécu, ce que je vis encore aujourd’hui. Pour que les gens se fassent une idée, parce que le problème qui se posait, c’était qu’on voyait que j’étais handicapé, et c’était tout. Le commun des mortels ne peut se faire une idée de ce que représente une maladie telle que la leucodystrophie. Quand ils me voient, je vais bien : on partage, on boit un verre. Mais ils ne voient pas ce qui est caché, les efforts totalement invisibles que je dois mettre en œuvre au quotidien. J’ai voulu mettre l’accent sur le parcours du combattant que cela a été pour poser un diagnostic, sur les difficultés que j’ai pu rencontrer et que je rencontre tous les jours : me rendre dans un lieu sans ascenseur, aller dans un endroit qui n’est pas accessible… Tout cela j’ai voulu le mettre sur papier, et je crois que j’ai réussi à faire passer mon message.

Callie : Pourquoi ce titre, « Invivable » ? L’avant-propos a été particulièrement marquant : qu’as-tu voulu exprimer à travers ces pages ?

Xavier : Le titre est venu bien plus tard, dans les 2 ou 3 dernières années d’écriture. Je voulais un titre simple, pas une phrase ni un groupe de mots, mais quelque chose qui accroche, un mot qui puisse résumer tout ce que je vis. « Invivable » m’est alors apparu assez naturellement. Il résume bien la difficulté, même si je vis de grands moments de joie. Car la souffrance que je vis au quotidien demeure invivable. 95% du temps, je fais face à de la douleur, à de l’incompréhension, à de l’injustice. Ainsi, le titre me semble vraiment significatif, en plus de donner envie de lire. La couverture, en outre, est sobre ; mon regard est sombre, de même que le décor. Et malgré tout, j’y dis aussi de belles choses dans ce livre. Ce que j’espère que les lecteurs vont pouvoir découvrir, c’est le fait de pouvoir relativiser. Oui, on vit tous et toutes des choses très difficiles (un deuil, la misère, la maladie, le handicap), ou plus simplement des petits bobos, des problèmes de loyer, etc. Mais malgré tout, il faut rester debout, aller de l’avant. La vie a de belles choses à nous faire découvrir, comme celles que j’ai pu voir dans ma jeunesse. Ces expériences permettent de remettre en question beaucoup de choses. J’ai envie de transmettre l’idée que, en dépit du handicap, on peut être heureux. Moi-même je cumule plusieurs handicaps, et je pense que je suis un bon exemple de la difficulté que cela représente, tout en restant cependant positif. La vie ne s’arrête pas pour autant.

Callie : J’invite les personnes qui le souhaitent à aller le lire, parce que tu y parles de bien d’autres choses et avec bien plus de détails. Mais à la dernière page, tu nous laisses au soir du 12 octobre 2022 sur une terrasse en bord de mer, à la veille d’une opération très importante. Que s’est-il passé ensuite ? Que s’est-il passé ces derniers mois ?

Xavier : J’aurais voulu dire qu’il faudra lire la suite du livre pour le savoir. Malheureusement, je n’ai plus la force de l’écrire. L’opération n’a pas pu se faire. Le médecin a tout essayé mais mon œil était trop abîmé pour qu’on puisse faire quoi que ce soit. L’idée était d’aller retirer la cataracte pour mettre un implant à la place, néanmoins on ne pouvait rien faire sans risquer de perdre totalement l’œil. Le médecin a fait le choix de la raison et n’a pas tenté la manipulation. Je comprends tout à fait. J’ai par ailleurs continué les démarches de mon côté. D’ici quelques semaines, je devrais avoir rendez-vous à Lausanne avec un grand professeur qui, lui, serait prêt à retenter l’opération avec une autre méthode qui n’a pas été envisagée jusqu’à présent. Le but serait d’enlever la cataracte pour retrouver 10 à 15% de vision sur l’œil droit, le gauche étant totalement perdu.

Callie : Pour les personnes qui voudraient le lire, où peut-on retrouver ton livre ?

Xavier : Le format papier est disponible dans toutes les librairies en France où il peut être commandé. Il n’est malheureusement pas présent sur les étals puisque pour cela, il faut être édité auprès de grandes maisons d’édition, ce qui n’est pas mon cas. Autrement, il est trouvable sur le site de thebookedition.com, ou bien sur mon site à moi : bonot.ch
Il est alors possible de commander la version papier et/ou la version audio, sur CD ou en téléchargement. Version audio qui a d’ailleurs été réalisée par toi, Callie.

Callie : D’autres projets en perspective ? Qu’envisages-tu maintenant ?

Xavier : Dans le livre, il y a tout un chapitre concernant mes rêves. J’en ai déjà réalisé quelques-uns, mais pour ceux qu’il me reste à vivre, ce serait d’enregistrer des maquettes sonores de chansons inventées de toutes pièces ou réinterprétées. Le second projet serait de faire du théâtre : pour cela, il faut que je me renseigne, que je trouve les bonnes personnes pour chercher un lieu accessible, en espérant que j’aie encore la force nécessaire pour y parvenir. En tout cas, ce sont ces deux projets-là qui me tiennent vraiment à cœur et que j’aimerais réaliser avant de partir.

Callie : Quelque chose à ajouter ?

Xavier : Je répète toujours qu’il faut y croire, que la vie vaut la peine d’être vécue. Il faut profiter un max, jour après jour, et ne pas s’en faire pour pas grand-chose. Allez de l’avant et pensez aux personnes souffrantes autour de vous qui ne peuvent pas
réaliser ces choses que tout un chacun peut se permettre de réaliser aujourd’hui.

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